INTERVIEW

 

Février 2006

 

Un grand merci à Alison Arngrim qui a accepté de se prêter au jeu de l'interview pour nous, ses fans.

 

- Vous êtes venue en France deux fois ces dernières années. Si vous ne deviez en retenir qu'un, quel serait votre meilleur souvenir de ces deux visites?

Je ne sais pas par où commencer! Je pense néanmoins que les catacombes restent vraiment votre meilleur site touristique. Mais en premier lieu, ce sont les gens. Les gens que j'ai rencontrés sur les plateaux télé. Vous avez de telles émissions excentriques dans votre pays! Les gens pensent que la télévision américaine est déjantée, mais nous, nous n'avons pas d'émissions de divertissement de trois heures, qui plus est en direct, et dans lesquelles les célébrités montent sur les tables, armées de pistolets à eau!! ("Les enfants de la télé")

 

- Pourriez-vous nous parler de la rencontre avec vos fans français?

J'aurais aimé que tout le monde aux Etats-Unis puisse vous rencontrer. Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que les gens, ici, racontent sur les français. Certaines fois, c'est purement de la propagande politique, bien sûr, mais beaucoup de gens ici croient réellement que les français sont "mal élevés" et "mesquins". Si seulement ils savaient à quel point les français aiment La petite maison dans la prairie et Michael Landon! Et combien chacun est accueillant, généreux et sympathique.

J'ai remarqué que les fans français posent quasiment les mêmes questions que les fans ici aux Etats-Unis. Tout le monde veut en savoir plus sur ce charmant Albert (Matthew Laborteaux), tout le monde veut que je raconte comment j'ai dévalé la côte en fauteuil roulant, et tout le monde veut savoir comment Melissa et moi nous entendions alors que nous nous battions tout le temps à la télévision!

 

- Quel regard portez-vous sur le cinéma français?

Le cinéma français a longtemps été considéré comme très "exotique" par les américains, mais ça change vraiment depuis quelques années. Avec l'augmentation notable, aux Etats-Unis, de succès cinématographiques produits par des pays étrangers (l'Australie étant le plus gros producteur), la barrière entre "l'étranger" et le "national" s'est estompée.

La plupart des américains vous diraient qu'ils n'iront jamais voir un film français mais, depuis Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, vous entendez les gens parler des stars françaises. Ils savent maintenant qui est Audrey Tautou, qui est Jamel Debbouze. Ce n'était pas le cas il y a encore quelques années.

Mais la différence est totale concernant les genres de films produits. Aux Etats-unis, la plupart des films à gros budget sont destinés aux adolescents, aux garçons en particulier (ils passent la plupart de leur temps au cinéma!) et sont basés sur l'action et l'aventure. Même lorsqu'il s'agit de ce que l'on appelle les films "indépendants", les seules préoccupations des spectateurs sont de savoir quelle star ils vont voir et si il va s'y passer quelque chose de "choquant".

Il semble que l'accent soit mis beaucoup plus sur l'intrigue et l'évolution du personnage dans les films français (les gens disent que c'est quelque chose qu'ils voyaient, avant, dans les films américains et qu'ils aimeraient retrouver dans les films actuels).

 

- Avec quels réalisateurs(trices) et acteurs(trices) français rêveriez-vous de travailler?

J'apprécie beaucoup Jean-Pierre Mocky. Je l'ai rencontré à "La méthode Cauet" et je l'ai aimé tout de suite. Ils ont dit qu'il était monstrueux et cru dans ses propos et opinions, mais je pense qu'il a eu tout à fait raison. Les gens devraient dire plus souvent ce qu'ils pensent.

Bien sûr, ce que je préfère, ce sont les comédies, et j'adorerais travailler avec chacune des personnes désopilantes que j'ai rencontrées aux "Enfants de la télé" (Alain Chabat, Jamel, Isabelle Nanty, etc).

 

- Pourriez-vous nous parler de AIDS et PROTECT et de votre implication au sein de ces deux associations?

Comme vous le savez, Steve Tracy, qui jouait mon mari dans La petite maison dans la prairie, est mort du SIDA en 1986. C'était une personne merveilleuse et un très bon ami. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à faire du bénévolat pour aider les gens au sein de AIDS Project Los Angeles. J'ai découvert que, malgré les énormes avancées médicales, la plupart des gens savent peu voire rien sur le fonctionnement du SIDA. Comment une personne va contracter la maladie et une autre non, quels sont les médicaments maintenant disponibles, ce qu'ils peuvent apporter aux malades et malheureusement ce qu'ils ne peuvent pas.

Actuellement, aux Etats-Unis, le problème de la drogue est un des plus gros obstacles à l'arrêt de la contamination. Il y a tellement de gens qui deviennent dépendants de la méthamphétamine, à la fois dans les communautés urbaines gays et dans les banlieues aussi. Les "accros" à la méthamphétamine, tout comme les "accros" à l'héroïne, non seulement partagent leurs seringues (un moyen très rapide pour être contaminé) mais, en plus, sont prêts à tout pour obtenir la dose suivante, y compris la prostitution. Mais le problème avec la méthamphétamine, que l'on n'avait pas vu autant avec l'héroïne, est que beaucoup de personnes dépendantes deviennent des obsédés sexuels (restant éveillés pendant des jours et passant la plupart de leur temps dans des sex clubs). Pendant qu'ils sont sous l'emprise de cette drogue, ils ne pensent pas à mettre des préservatifs, à avoir des relations sexuelles saines ou à faire quoi que ce soit pour préserver leur sécurité physique ou celle des autres. Beaucoup ne se souviennent même pas, le lendemain, de ce qu'ils ont fait la veille et avec combien de personnes. Vous pouvez imaginer à quel point ce problème risque d'entraîner une énorme propagation de la maladie.

 

En plus, les personnes déjà séro-positives, qui suivent un traitement pour les maintenir en "bonne santé" ("le cocktail"), cessent, dès lors qu'elles deviennent dépendantes de la méthamphétamine, de prendre leur traitement. L'arrêt de ce traitement entraîne l'accélération de la maladie et le décès prématuré des patients. Je ne répèterai jamais assez aux gens d'éviter à tout prix de tomber dans le piège de cette drogue et, si vous connaissez des personnes dans ce cas, essayer de les emmener à l'hôpital et de leur faire suivre immédiatement une cure de désintoxication.

 

PROTECT a connu dernièrement un énorme succès. Notre proposition de loi ("SB 33") est passée en californie, pour mettre fin à cette terrible "exception de l'inceste". La loi exige maintenant que tous les pédophiles soient jugés selon les mêmes critères. Dorénavant, ceux qui abusent et maltraitent leurs propres enfants ou ceux de leur entourage familial encourront les mêmes peines que ceux qui abusent des enfants qui leur sont étrangers. Cette même loi devrait être votée très prochainement à New York. Le projet de loi a aussi été présenté à Washington, DC, et, si il est voté, il changera les lois concernant les enfants abusés, à travers tout le pays.

Ici, en Californie, il y a une autre loi qui sera votée au scrutin de novembre prochain. "Jessica's Law" du nom d'une petite fille, Jessica Lunsford, qui a été enlevée et assassinée par un pédophile (il l'a en fait enterrée vivante!). Chaque état a prévu de faire passer des lois se rapprochant de celle-ci, mais, ici en Californie, la Jessica's Law devrait être la plus stricte de toutes. Je pense que cette loi va passer car là, ce ne sont pas les politiciens de Sacramento qui votent, mais ce sont les citoyens. Traditionnellement, malgré ce que vous entendez aux informations, les californiens restent très conservateurs dès lors qu'il s'agit de délits violents, et votent généralement "oui" pour ces genres de projets de loi.

 

- Aux Etats-Unis, vous triomphez avec un one-woman show intitulé "Les confessions d'une garce de la prairie". De quoi s'agit-il exactement?

Hahaha! De moi, bien sûr! Et de plein d'autres choses. Bien évidemment, je parle beaucoup de La petite maison dans la prairie. Mais je partage aussi beaucoup d'histoires de ma propre vie, avec le public. Je parle notamment de mon enfance à Hollywood et comment j'ai grandi dans ce contexte là, des célébrités que j'ai rencontrées, et des membres de ma famille qui sont tous dans le métier.

La plupart du spectacle, et tout particulièrement le titre, sont basés sur le fait que, encore aujourd'hui, beaucoup de gens pensent que je suis réellement comme mon personnage. Combien de fois je me fais traiter de garce par des personnes que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam (vraiment!); combien de fois les gens m'ont jeté des choses à la figure, en public; à quel point c'est étrange pour une jeune fille de grandir avec tant de gens qui vous détestent pour quelque chose que vous avez fait à la télévision et qu'est-ce-que ça fait à une actrice d'être autant cataloguée.

J'ai récemment obtenu une très bonne critique dans le Los Angeles Times, donc c'est que je dois faire quelque chose qui plaît.

 

- En France, on vous a découvert dans le rôle de Nellie Oleson. Etait-ce votre tout premier rôle? Comment avez-vous été repérée? Avez-vous auditionné pour plusieurs rôles de La petite maison dans la prairie?

 

Mon tout premier rôle c'était dans une publicité pour du ketchup. Je n'avais même pas eu de texte à dire! Plus tard, j'ai participé à une émission qui s'appelait "Juvenile Jury" ( ça ressemblait un peu à l'ancien Art Linkletter show, où le présentateur interviewait de jeunes enfants). Environ un an avant La petite maison dans la prairie, j'ai joué dans un film intitulé "Throw Out the Anchor" et dont les acteurs principaux étaient Richard Egan et Dina Merril. Pour être honnête, ça n'a pas été un sucès mais moi, ça m'a permis de visiter la Floride et d'aller à Disneyworld pour la première fois. J'interprétais le rôle d'une petite fille amoureuse de la nature et des animaux, qui essaie de les protéger de la construction d'une usine industrielle à proximité d'une rivière (c'est tout à fait le genre de choses que j'aurais pu faire dans la vraie vie).

J'ai passé le casting pour les rôles de Mary ET de Laura! Vous imaginez??! Je suis très contente de ne pas les avoir décrochés. J'aurais été totalement fausse dans ces rôles là et surtout, je n'aurais jamais été Nellie!

Le jour où j'ai passé mon texte pour le rôle de Nellie, j'ai été retenue de suite. Qu'est-ce-que ça sous-entend de moi ça, hein? Hmmmmm

 

- Où avez-vous appris la comédie? Seulement sur les plateaux ou dans des écoles d'acteur?

J'ai réellement appris à jouer sur les plateaux! J'étais tellement jeune lorsque j'ai débuté (j'avais six ans pour ma première publicité et seulement onze ans quand j'ai commencé La petite maison...), que je ne pouvais pas suivre une formation régulière. Une fois adulte, j'ai fréquenté beaucoup de cours à Hollywood: Howard Fine's school, Lembeck's Comedy Improvisation workshops, etc. J'ai été particulièrement inspirée par le travail de l'actrice et professeur de théâtre Uta Hagan. Tous ces cours m'ont beaucoup aidée à avoir plus confiance en mes capacités d'actrice et j'ai été ravie de découvrir que notre jeu à tous, dans La petite maison...était vraiment LE BON!

 

 

- Quel regard portez-vous sur la nouvelle version de La petite maison dans la prairie?

je dois avouer que je ne l'ai pas regardée (j'ai une bonne excuse, j'étais au théâtre dans "Last Summer at Bluefish Cove" les soirs où ça a été diffusé). Tous ceux d'entre nous qui étions dans la version originale, avons des sentiments ambigüs concernant cette nouvelle version. Nous essayons d'être objectifs et de ne pas être bêtement jaloux en disant "de toute façon, nous sommes les meilleurs, ça va de soi", mais ça ne change rien. Même si les acteurs de la nouvelle version sont merveilleux, on fera toujours la comparaison avec Michael, Melissa et le reste d'entre nous. Comme disait Melissa Gilbert récemment, lorsque l'on fait des remakes ou qu'on transforme en film des séries qui ne sont plus diffusées depuis des années, ça n'engendre pas de comparaison ou de conflit. Mais notre version de La petite maison dans la prairie est encore diffusée plusieurs fois par jour. Donc, c'était surtout pas une chose à faire.

Moi, bien sûr, je me suis "insurgée" et j'ai dit "Non, c'est une idée catastrophique, ce ne sera pas une bonne série!" Pourquoi? Parce que j'avais entendu toutes les raisons évoquées par le producteur Ed Friendly pour justifier le fait qu'il pensait que notre série devrait être refaite différemment et pourquoi il pensait que ça donnerait quelque chose de mieux, mais tout ceci n'a aucun sens. Notre série a "marché" comme ils disent à Hollywood. Ca a marché à merveille. Ca a été un succès aussi bien auprès des enfants qu'auprès des adultes, c'était triste et drôle à la fois, et Michael Landon, eh bien, il est tout simplement incomparable. Alors pourquoi donc faudrait-il que quelqu'un essaie de faire une série totalement à "l'opposé" de ce qui a été un tel succès? Ca n'a tout simplement aucun sens.

 

-Pourriez-vous nous raconter une journée "type" sur le tournage de La petite maison dans la prairie?

Il n'y avait pas de journée "type". Je pense que c'est pour ça que nous ne nous sommes jamais ennuyés sur le tournage, à l'inverse d'autres séries! Au début des tournages, on commençait à travailler très très tôt! Il n'était pas rare que l'on commence à 4 heures du matin, 6 heures au plus tard! Et puis, apparemment, avec les années, nous sommes devenus plus performants et, du coup, on n'avait pas besoin de venir avant 7 ou 8 heures. Quand on commençait à 10 heures, on avait l'impression d'être en vacances!

Je me souviens arriver sur le plateau avant même que le soleil ne se soit levé sur Simi Valley. Cette partie de la Californie possède les caractéristiques climatiques du désert donc, il y fait terriblement chaud en été et extrêmement froid l'hiver, surtout très tôt le matin. Parfois, les mares étaient gelées. L'été, en revanche, on voulait commencer le plus tôt possible parce qu'à 11 heures du matin, il faisait déjà 40°C.

En premier, j'allais au maquillage et à la coiffure, vu que ça prenait beaucoup de temps. Pendant les six premiers mois, on me coiffait les cheveux à la Nellie. Oh la la! Ca durait une éternité et je devais dormir avec des bigoudis. Du coup, après, on m'a finalement fabriqué une perruque. Donc, je m'installais sur un siège, avant que le soleil ne pointe son nez, le temps que Larry ou Gladys, nos deux coiffeurs, me posent la perruque. Tout l'équipe de maquilleuses et de coiffeurs de La petite maison...étaient des gens assez âgés (ils avaient tous travaillé avec Bette Davis, Joan Crawford et Marylin Monroe et connaissaient plein d'histoires). Donc, pendant qu'ils s'attelaient à me coiffer durant une bonne heure, ils me distrayaient en me racontant des histoires incroyables sur Bette Davis et toutes les anciennes stars!

Une fois que j'étais coiffée et maquillée, je partais à l'habillage. Ma tante Marion m'accompagnait sur le plateau et son rôle était de m'aider à m'habiller. Les robes devaient s'attacher dans le dos et se porter avec des jupons. C'est pas le genre de chose qu'un enfant qui porte des jeans et des baskets, saurait enfiler!

Ensuite, on descendait tous au pied de la colline, sur le tournage, pour voir si l'on commençait à travailler tout de suite ou si l'on allait à l'école. Si l'équipe n'était pas prête pour nous, on allait dans l'unique salle de classe - oui, celle que l'on voit dans la série! - qui était équipée, pour l'occasion, de tables et de chaises (et d'un chauffage, en hiver, pour pas qu'on gèle tous!). On faisait les devoirs qu'on nous avait donnés à l'école et on les rendait à Madame Minear et Madame Fife, les professeurs du plateau. Elles étaient très sévères! Pas de bavardages, pas le droit d'aller au toilettes sans permission, pas de flemmardise! On devait tous avoir le nez dans nos bouquins tant qu'on était en cours avec elles.

Nous étions ensuite appelés pour aller tourner une scène et Michael (ou Bill Claxton si c'était lui qui réalisait ce jour-là) nous donnait les directives de jeu et nous faisait répéter une fois pour voir comment on s'y prenait. Alors il nous disait si ça allait ou non et si l'on devait changer certaines choses. Les techniciens réglaient l'éclairage (ça pouvait durer des siècles!) et après, on tournait la scène. Nous étions tous très forts pour connaître notre texte (Nous étions bien obligés. Il était impensable d'aller trouver Michael Landon et de lui dire qu'on ne connaissait pas notre texte ). Melissa et moi réussissions souvent nos scènes en une seule prise. Mais parfois, il y avait un bruit, ou une caméra qui ne marchait pas, quelqu'un qui trébuchait, du coup on refaisait la scène deux ou trois fois. Ensuite, on s'arrêtait. Les techniciens positionnaient la caméra sous un angle différent et nous, nous retournions à l'école (ou surtout, on s'échappait pour aller prendre un chocolat chaud, des beignets et des friandises au camion. Ce camion c'était comme un magasin!).

Ils nous criaient qu'ils étaient de nouveau prêts et on retournait travailler. Parfois, on devait répéter la même scène dix fois ou même plus jusqu'à ce que tout soit parfait. Ca pouvait devenir très lassant, c'est pourquoi Michael faisait toujours des blagues, pour nous distraire et garder notre attention en éveil.

Et ce scenario se reproduisait maintes et maintes fois, scène après scène, jusqu'au déjeuner, aux environs de 13 heures, et après, ça recommençait jusqu'à ce qu'on termine la journée.

Une journée réussie c'était quand on n'était pas en rupture de stock de chocolats glacés au camion, quand la prof ne nous attrapait pas en train de nous échanger des mots, quand on n'oublait pas notre texte et quand on arrivait à attraper une grenouille à la pause déjeuner.

J'étais en général tellement fatiguée que je m'endormais dans la voiture qui me ramenait à la maison.

 

 

FIN

 

 

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